Wednesday, April 2, 2014

Les drapeaux de l'Ambassadrice (partie 1 de 2)


Mercredi, 2 avril 2014. Parle d'un coup de malchance ... Hier, au téléjournal d'un poste de télé bulgarien dont vous n'auriez jamais entendu parler de toutes façons, on annonçait la disparition du vol KC-12-14 — à bord duquel se trouvait bien évidemment la dernière recherchée du lot de 12, l'Ambassadrice. Comme dans une grande partie de ping-pong, les Douze nous ont fait rebondir d'un côté et de l'autre pour nous raconter ce qui s'est passé ... Voici ce que nous avons retenu. 


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Partout où elle passe elle y plante son drapeau ! C’est une ambassadrice conquérante, elle laisse sa trace dans tous les coins de pays qu’elle a arpentés. Je me suis longtemps demandé pourquoi elle faisait tout ça ! Pour être reconnue ? Pour le pouvoir ? Pour la célébrité ? Non ! Je l’avais très mal jugée … Tous ses drapeaux traçaient un chemin. Un chemin qui aiderait tous les égarés à retrouver leur Ambassadrice. Je trouvais ça si poétique que j’ai volé un de ses drapeaux pour regarder les égarés se perdre encore plus. Ce n’est pas tout le monde qui a de bonnes intentions !    — LE TRUAND

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LIVE-FOOTAGE. 
CASSETTE RETROUVÉE SUR LE BORD DE LA 132, ENTRE GASPÉ ET MATAPÉDIA. 
(1/2) 

« shitdemarde. 
pu le temps de niaiser. » 

Sur l'écran de télévision, l’image shake. Caméra sur l’épaule, le vidéaste est tout d’abord non-identifiable. Au-delà du grésillement sonore du VHS, sont audibles le cri des fous de Bassan et celui, plus grave encore, des vagues. La scène se déroule sur le pont d’un petit bateau. Sous un soleil aveuglant luit et gît un homme, enfirouapé dans une camisole de cotte de maille et protégé d’un casque. La caméra zoom sur son visage, paisiblement endormi. 

« Ça va te faire une belle trace de bronzage, ça, mon Chevalier festif. » 

Le caméraman s’enfarge de manière très peu gracieuse dans une pile de canettes de Pabst Blue Ribbon, envoyant quelques-unes d’entre elles valdinguer dans les bleus flots de l’océan. 

« Festoie pas mal, nettoie rien pantoute. Ça devrait être ça, son câlisse de crédo. » 

Visiblement, la personne qui tient la caméra est d’une humeur massacrante. Elle nous traîne dans la cale du navire, puis dans une pièce corpusculaire. La caméra est violemment déposée sur un comptoir. Le caméraman s’assied sur la toilette. Dans l’obscurité de la toilette du bateau, le téléspectateur peut distinguer l’ombre canine de l’inquiétant et vulgaire homme, qui porte à sa bouche ce que l’on pourrait prendre pour un verre de sang. Ce n’est rien de tel. C’est du jus de pomme grenade. Après moult gargarismes, il se lance. 

« Vu que c’est surement la dernière chose que je vais dire, voéci mes confessions. Les chiottes d’un bateau de marde que mon grand-père m’a légué y’a cinquante ans — parfait endroit pour le confessionnal d’un vieux loup de mer. Chu sur que ça vous fait rire autant que moé. 

Confession première : chu pas vraiment un loup. Chu juste un pissou de Gaspé qui a passé pas mal trop d’temps su’ son bateau avec ses livres. Probablement parce que j’avais pas beaucoup d’amis à’ maternelle. 

En fait, des amis, j’en ai pas beaucoup en général. C’qui m’amène à la confession deuxième : à vrai dire j’ai rien que douze amis. Euh, onze. J’étais bin, bin saoul quand on a faite le pacte, ça sentait le sang pis le rhum, fait que peut-être que je voyais double, pis qu’on était rien que six et demi. Encore là, quand je dis amis, peut-être bin que j’exagère. Après tout, c’est pas une pelletée de noms tracés dans le sang au bas d’un rouleau de parchemin qui fait d’la synergie. 

Confession troisième : on s’haït toute un peu, mes amis pis moé. C’est surement parce que depuis l’début, on est au boute du rouleau. 

Y’en a qui sont plus volubiles que d’autres. P. P. donne toujours de ses nouvelles (ça fait chier, esti, j’ai d’autres choses à faire que d’attendre les cormorans voyageurs sur le pont de mon bateau tous les jeudis matins pour ouvrir des lettres qui sentent le pain aux bananes pis le feng shoui). Des fois je croise Cire Pôle à l’épicerie. À me demande c’est qui qui pue le poisson. Peut-être qui faudrait que j’lui dise que c’est le gars derrière le comptoir qui coupe son saumon les joues rouges pis la bouche en s, mal à l’aise. 

Pis l’osti de truand, celui qui fait toujours toute foirer. Comme la fois où y’avait volé ma pôle de rideau de douche. Pis mon gouvernail. Y vole toujours l’affaire dont t’as besoin. 

Comme le drapeau de l’Ambassadrice

L’Ambass, esti, de loin la plus névrosée. Y faut croire que dans sa business, on a pas le choix. Je le savais depuis le début, que c’était elle qui allait flancher. Moi, j’ai même suggéré que ça soit elle qu’on élimine. 

Mais l’Amabassadrice, à peu près la plus importante aussi. Niveau gouvernement, au moins. J’veux dire, les vrais gens du vrais monde en ont pas grand chose à faire, d’un forain, d’un transgenre ou d’une mère de famille un peu sanglante. Mais chaque jour, quand t’ouvrais la télé, bam! : nouveau reportage au journal de 19h. Ambass par-ci, ambass par-là. Toujours accompagnée de ses drapeaux. Facile à retracer. 

Drapeau rouge après la Saint-Valentin, drapeau rouge après une chicane. Drapeau bleu comme pour conclure qu’il a faite beau contre toute attente aujourd’hui. Drapeaux qu'elles tirait peut-être même un peu de sa chair, draps de peau dans lesquels elle s'enveloppait comme dans un filet de sécurité maternel, placenta de tissu ... anyways. 

V’là quatre jours, je reçois un appel du forain, y parle vite avec son gros accent, y me dit : « Hey salut le loup, y’a comme un malaise. Y’ paraît que l’avion de l’ambassadrice s’est comme écrasé en pleine mer. À m’a laissé un message bizz qui dit genre : retrouvez-moi au bout de mes drapeaux. J’ai bin essayé mais le truand en a volé une coupe. La piste est brouillée. J’abandonne. J’ai d’autres barbes à papa à fouetter. » 

Une chance pour moi, j’avais passé pas mal de temps d’in scouts, fait que les jeux de piste, on peut dire que ça m’connaît. Ça c’était hier. Ç’pour ça que j’ai invité le Chevalier festif à m’rejoindre. Lucky for me, y’avait amené pas mal de Pabst. On a combattu l’adversité toute la nuit, à coup de flip-cup plutôt que d’épée. 

I faut qu’on suive des drapeaux ça l’air. Mais je sais pas oùcé qu’y en a, pis je sais pas oùcé commencer. Le Chev est bin d’trop saoul pour que je lui demande son avis. 

Je sais que le truand en a volé un par contre, ça me fait chier d’avance mais ça me donne pas plus d’indications. 

Fait que j’ai fait ce que fait tout loup lorsque pris au dépourvu : je me suis demandé, W.W.D.P.D ? What would Daniel Pennac do ? 


« J’ai décroché mon téléphone et j’ai appelé la reine Zabo. » Euh non. Supermimo

Était pas là. Pas le temps de laisser un message. Plan B. 
La Justicière démasquée. »

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