Incapable
de te débarrasser de moi,
tu
ressasses ces vieilles pensées sans arrêt.
Je suis le père aimant, que tu voyais un
week-end sur deux et qui t’emmenait faire les manèges. Aimant parce que l’amour
ça s’achète, parce que quand on est petit, on croit que l’amusement pardonne
tout. Un tour de manège et on oublie les petites réprimandes quotidiennes. Deux
tours de manège et le bruit des pleurs s’estompe. Trois tours de manège et la
marque rouge sur nos fesses disparait. Puis le manège s’arrête. Je redeviens
alors le père absent parce qu’un week-end sur deux, c’est pas beaucoup quand
t’y penses. Absent dans le temps, absent dans mes gestes, absent dans mes mots.
« Et toi, il fait quoi ton papa ? » Cette question tant redoutée, à laquelle
tu ne sais jamais quoi répondre. Pour savoir ce qu’il fait, faudrait déjà
savoir où il est.
Je suis la femme désillusionnée que tu as
laissée derrière toi. Désillusionnée parce que je ne croyais plus en rien, plus
en moi, plus en nous. Ce mariage parfait qui termine dans un tel fiasco sonne
comme un échec dans ta vie si bien rangée, comme une belle tâche sombre sur papier
immaculé. C’est pas de ta faute, c’est la mienne, c’est ce qu’il faut se dire.
Mais t’aurais pu essayer plus fort au lieu de choisir la facilité et de prendre
tes jambes à ton cou. Puis ça, on te le dira pas, faudrait éviter que tu te
remettes trop en question quand même.
Je suis cette jeune fille serviable qui
passait tous les jours à la même heure devant ta maison. Serviable parce que j’ai
voulu venir t’aider quand tu me l’as demandé. Dans tes oreilles résonne encore
le doux son de mes cris. Dans tes yeux se reflètent la vie, celle que tu m’as
prise. Je fais partie de toutes ces petites âmes que tu as brisées les unes
après les autres. Sans remords, sans conséquences, sans justice.
Je suis l’enfant innocent que tu étais
autrefois. Innocent parce qu’on me protège, que les mauvaises choses ne m’atteignent
pas encore. Tu penses à moi avec envie, tu te rappelles de mon insouciance, de
ma naïveté enfantine, de mon irresponsabilité. T’aimerais revenir à cet âge-là,
puis t’oublies que si tu cherches un peu, je ne suis pas si loin.
Je ne suis plus
qu’un souvenir,
qui s’accroche à
toi
autant que tu te
raccroches à
Lui.
***
La justicière, décrite par P.P :
« J’étais dans le parc, je cherchais de l’inspiration en regardant les arbres, en écoutant la nature quand quelqu’un est entré en collision avec moi de plein fouet.
J’ai repris mes esprits et l’ai tout de suite reconnue. C’était la Justicière Démasquée.
Elle s’est excusée maintes fois en me disant qu’elle avait vraiment l’esprit ailleurs. Elle ne savait pas où était son masque.
Je lui ai dit que c’était absurde, elle ne portait jamais de masque.
Elle m’a répondu qu’elle en avait un, comme tout le monde, qu’elle ne le portait pas, certes, mais qu’elle savait TOUJOURS où il était. Elle m’a ensuite donné sa carte en me disant d’appeler à ce numéro si je le trouvais, puis est repartie au pas de course.
J’avais retourné la petite carte entre mes doigts. Sur l’un des côtés avait été dessiné un masque noir et il y avait, évidemment, aucun numéro de téléphone pour la joindre. »