Friday, January 31, 2014

La JUSTICIÈRE DÉMASQUÉE présente...

Incapable de te débarrasser de moi,
tu ressasses ces vieilles pensées sans arrêt.

Je suis le père aimant, que tu voyais un week-end sur deux et qui t’emmenait faire les manèges. Aimant parce que l’amour ça s’achète, parce que quand on est petit, on croit que l’amusement pardonne tout. Un tour de manège et on oublie les petites réprimandes quotidiennes. Deux tours de manège et le bruit des pleurs s’estompe. Trois tours de manège et la marque rouge sur nos fesses disparait. Puis le manège s’arrête. Je redeviens alors le père absent parce qu’un week-end sur deux, c’est pas beaucoup quand t’y penses. Absent dans le temps, absent dans mes gestes, absent dans mes mots. « Et toi, il fait quoi ton papa ? » Cette question tant redoutée, à laquelle tu ne sais jamais quoi répondre. Pour savoir ce qu’il fait, faudrait déjà savoir où il est.

Je suis la femme désillusionnée que tu as laissée derrière toi. Désillusionnée parce que je ne croyais plus en rien, plus en moi, plus en nous. Ce mariage parfait qui termine dans un tel fiasco sonne comme un échec dans ta vie si bien rangée, comme une belle tâche sombre sur papier immaculé. C’est pas de ta faute, c’est la mienne, c’est ce qu’il faut se dire. Mais t’aurais pu essayer plus fort au lieu de choisir la facilité et de prendre tes jambes à ton cou. Puis ça, on te le dira pas, faudrait éviter que tu te remettes trop en question quand même.

Je suis cette jeune fille serviable qui passait tous les jours à la même heure devant ta maison. Serviable parce que j’ai voulu venir t’aider quand tu me l’as demandé. Dans tes oreilles résonne encore le doux son de mes cris. Dans tes yeux se reflètent la vie, celle que tu m’as prise. Je fais partie de toutes ces petites âmes que tu as brisées les unes après les autres. Sans remords, sans conséquences, sans justice.

Je suis l’enfant innocent que tu étais autrefois. Innocent parce qu’on me protège, que les mauvaises choses ne m’atteignent pas encore. Tu penses à moi avec envie, tu te rappelles de mon insouciance, de ma naïveté enfantine, de mon irresponsabilité. T’aimerais revenir à cet âge-là, puis t’oublies que si tu cherches un peu, je ne suis pas si loin.

Je ne suis plus qu’un souvenir,
qui s’accroche à toi
autant que tu te
raccroches à
Lui.


***
La justicière, décrite par P.P :
« J’étais dans le parc, je cherchais de l’inspiration en regardant les arbres, en écoutant la nature quand quelqu’un est entré en collision avec moi de plein fouet.
J’ai repris mes esprits et l’ai tout de suite reconnue. C’était la Justicière Démasquée.
Elle s’est excusée maintes fois en me disant qu’elle avait vraiment l’esprit ailleurs. Elle ne savait pas où était son masque.
Je lui ai dit que c’était absurde, elle ne portait jamais de masque.
Elle m’a répondu qu’elle en avait un, comme tout le monde, qu’elle ne le portait pas, certes, mais qu’elle savait TOUJOURS où il était. Elle m’a ensuite donné sa carte en me disant d’appeler à ce numéro si je le trouvais, puis est repartie au pas de course.
J’avais retourné la petite carte entre mes doigts. Sur l’un des côtés avait été dessiné un masque noir et il y avait, évidemment, aucun numéro de téléphone pour la joindre. »

Thursday, January 30, 2014



Jeudi, 30 janvier 2014. Avons croisé ce matin une drôle de dame prête à secourir toutes les âmes en détresse. A son regard d'acier malgré ses airs de Madone, il était clair que nous avions enfin trouvé la Justicière Démasquée. Elle a accepté de nous accorder quelques minutes de son précieux temps pour répondre à nos questions. Retranscription.



1. Treize, ça vous évoque quoi ?
Le nombre de chats que j'ai été secourir dans les arbres. Je vous rassure, ils n'étaient pas tous noir. 
2. Un élément indispensable à votre processus créatif ?
Une heure tardive, je dois être plus créative minuit passé – quand je ne suis pas déjà occupée à rendre la justice dans les ruelles sombres.  
3. Le pire état émotionnel ?
Le doute qui te fait perdre confiance. L’attente qui te fait espérer pour rien. L’absence qui te ronge. Les émotions, c’est pas toujours très beau qu’on se le dise ! 
4. Pourquoi écrire ?
Pour dénoncer, faire rêver, il y a tellement de raisons. 
5. Auteurs préférés ?
Paulo Coelho, Boris Vian, Simone de Beauvoir, Paul Auster, J.R.R. Tolkien, John Green et Roald Dahl (pour mon âme d'enfant). Et plein d'autres encore.  
6. Mis à part l'écriture, quelque violon d'Ingres ?
Réparer les injustices, secourir les chats dans les arbres (ou autre animal), faire des to-do list, parcourir le monde.
Si vous aussi vous êtes tombés sous son charme, soyez rassurés, vous n'êtes pas les seuls. Voici ce que Supermimo a à dire sur notre justicière. 

« La Justicière Démasquée est un personnage incroyable. C'est le genre d'héroïne qui court après une personne, parce que celle-ci a fait tomber 10 cents dans la rue. Et avec ce regard fier, digne d'un enfant ayant fait le plus beau dessin du monde, lui tend sa pièce en disant : “Ne me remerciez pas, c'est mon travail! ”. » 
Supermimo.

Monday, January 20, 2014

Le CAVALIER OUZBÈQUE présente...

Regarde ouvrier, c’est le cavalier ouzbèque qui arpente la lande. Fier comme l’aigle, grand comme le sapin centenaire dont les épines s’éparpillent au vent. Il est parti depuis longtemps déjà et qui sait où il se trouve aujourd’hui. Son cheval de charbon fuyant dans la nuit bleu cobalt, laissant derrière une traînée de jours pluvieux.

À la croisée des chemins, à l’angle de la montagne et de la mer, vers là où le soleil migre, le cavalier fonce. Il traverse villes éparses, escorté par ses crimes, le dos vouté sous les fautes, le Caftan écorché par les ronces et les morsures des loups.

Riez ! Riez et vous aurez le couteau de bakélite et de bronze vous pressant la jugulaire. Un conseil, tais-toi. Car ce bougre d’ermite errant ne parle pas ta langue. Il parle la langue du sang. Ces incisives sont noires, mais toujours aussi tranchantes. On dit qu’il ne craint ni s’enfuit de personne, sauf de lui-même.

Oui, il est vrai qu’il s’est baigné dans la mer d’Aral le jour de son cinquième anniversaire et qu’elle lui donna toute sa puissance tout en lui laissant un léger goût de sel sur sa peau ambre.

Qui peut savoir? Puisque jamais on n’a vu de femme ni à son bras ni à ses pieds. Qui pourra partager la solitude du souverain de la steppe d’Asie centrale?

Dévalant les dunes du désert rouge du Kyzylkoum, se hissant en haut du mont Gissar quand son corps aura trop soufflé, quand il aura compris la nature tentant de l’absorber, quand les lèvres sèche et les yeux mouillés, il aura trop cavalé.

Une fois le monde parcouru, il ira s’étendre. Il laissera s’enfuir son cheval. Il ôtera son long manteau et j’apparaîtrai, tel un seul homme, à travers mes propres cendres.

***
Au sujet du Cavalier, le Loup de mer : 

« Mon cheval pour un royaume ! » Classique, mais quand le cheval se nourrit exclusivement du sang de ses ennemis et que son cavalier a l’air du grand méchant loup, le drame prend des proportions extra-shakespeariennes. Ton cheval pour mon bateau ? OK, cavalier, OK. Voici ce que je te propose : une énigme toute bête, simple comme la carte au trésor du capitaine Kidd. Que fait le noble Cavalier, sanguinaire et solitaire, lorsque le Grand Seigneur de la steppe, mourant, le requiert à son chevet ? 

CONSIDÉRANT QUE, le cheval de l’un est le fils du cheval de l’autre ; CONSIDÉRANT ÉGALEMENT les pactes de sang accomplis au cours des dernières décennies, obligeant au respect d’un certain code d’honneur ; mais CONSIDÉRANT QUE, partageant des divergences alimentaires (l’un aime la chèvre fumée, et l’autre, les sandwichs de tourbe), ils ne se sont pas parlé depuis le mariage d’une nièce commune, il y a de cela maintes et maintes lunes… Que fait le Cavalier ? 

Tu donnes ta langue au chat, Cavalier? 

Ouzbèque il y va, ouzbèque il y va pas...


Mardi, 21 janvier 2014. Avons été désarçonnés par le plus terrible des cavaliers lors de notre voyage dans un désert particulier. Coup de chance : c'était celui qu'on cherchait, le sombre et sanguinaire Cavalier Ouzbèque. Coup de malchance : avons les deux poignets cassés. Avons tout de même réussi à lui faire passer le Ti-Proust...


1. Treize, ça vous évoque quoi ?
La dent que j’avais arrachée à mon frère quand nous étions enfants. J’avais treize ans. 
2. Un élément indispensable à votre processus créatif ?
Le thé. 
3. Le pire état émotionnel ?
L’étouffement. 
4. Pourquoi écrire ?
Parce que mon cheval ne le peut pas. 
5. Auteurs préférés ?
Miron, Rilke, Kundera, Vian. 
6. Mis à part l'écriture, quelque violon d'Ingres ?
L’Opium.
Avons également extirpé de son cirque un bien mystérieux personnage à moustache nommé le Forain... Paraîtrait qu'il a gradué dans la même cohorte que le Cavalier Ouzbèque. Voici ce qu'il avait à nous dire : 

« Les sublimes épices de la nourriture qu'il m'a fait mangée n'ont d'égal en puissance que les orientales tortures qu'il m'a fait subir. Plus jamais, non jamais, je ne tenterai de détrousser le Cavalier Ouzbèque de ses sums. » 
Le Forain

Thursday, January 16, 2014

C'EST COMME NOËL présente C'est comme Noël...

Je me rappellerai jusqu'a ma mort de notre rencontre. Son nez rougi qui faisait ressortir le couleur flamboyante du gui qui se trouvait au dessus de sa tête. Je me suis approché, confiant de lui tomber dans l'oeil! Lorsque je me suis retrouvé devant lui, il me regarda, les deux yeux dans le graisse de beans et c'est dans la poubelle du salon qu'il tomba ... Ce soir là, mon amour naissant est mort dans l'oeuf. — LE TRUAND

***


C’est comme Noël… un fucking nom abstrait qui veut rien dire. Est-ce que j’suis un p’tit criss de lutin hyperactif su’a coke qui court d’un côté pi de l’autre pour emballer des cadeaux ? Un renne qui a bu trop de whisky pi qui s’retrouve avec le nez aussi rouge qu’Obélix dans Astérix chez les Bretons? Un bonhomme de neige qui fond sou’a pression que les autres lui mettent su’es épaules ? Ou bin une jeune femme soule et malade à un party de bureau ? C’est un peu de tout ça, mais pas exactement non plus. J’suis plutôt comme el père noël au mois d’juillette assis dans une chaise longue su’l bord de la plage en Floride avec un bloody mary d’une main pi un ipad dans l’autre : je fit pas tout à fait’ dans le cadre, mais je fais sourire pi j’suis pas désagréable, fait qu’on m’accepte comme j’suis. C’est comme ça que je me vois quand je bois un peu trop (donc tout le temps) pi que mon imagination prend le dessus. Si vous voulez la vérité, la voici :
On me demande souvent si chu plus casse-noésette ou « rrrôti » de dinde ; j’imagine c’est que’que chose qu’on voit dans ma face. Ma réponse est claire et systématique : Peter Pan. ¡C’est   par’s   qu’on   vit  dans  not’   tête ! ; c’est notre imagination qui crée le monde autour de nous ! Pas dans le genre, « t’es bin fucké » « t’es un psychopathe », mais c’est juste que j’ai l’impression quand je marche dans rue que je suis tout seul avec mes pensées. Ça vous arrive jamais ?
Pendant les fêtes, j’rgarde les lumières din f’nêtres des maisons. Ok, là vous allez dire : « man, t’as un problème, tu s’rais pas un peu voyeur ? ». Déjà qu’ vous pensiez j’tais psychopathe, ça va pas bin. Mais non, c’est juste que j’suis comme un papillon de nuit, une créature pas tout à fait ragoutante qui est attirée au plus profond de ses tripes par la lumière. Certains vivent avec une imagination naturellement colorée, wouhou !, mais dans ma tête, « cé noére comme la nuite d’un soér d’hivér sans pleine lune » (dit-il avec l’accent d’un homme qui veut s’enlever la vie). Chu pas un esti d’chat qui voit dans le noir, un esti d’chat gossant su’une esti de photo gossante. Jsuis pas cute comme ces ptites boules poilues, mais j’ai la même animosité par exemple. Comme si on disait si’un tit ton pincé : « Venez pas me voir quand j’ai pas le gout, attendez que je vienne à vous ». C’est c’qu’on exprime avec not’tit’ attitude de con. Quelle poésie pour dire que vous êtes juste des appareils jetables qui servent à faire mon bonheur. On est tous des outils qu’on se sert l’un l’autre pour qu’on se sente mieux. Pas que je connaisse bin du monde, mais bon… y’a bin du monde qu’quand y me voèye su’l bord d’la rue avec mon verre Tim Hortons pi ma tuque rouge à pompon qui se sentent mieux…
J’aimerais ça penser autrement, être « positif » comme y disent, mais je sais bin que c’est juste une autre criss d’illusion, chu pas capable. C’est bin dommage, parce que j’aimerais ça. Quand on me dit casse-noisette ou rôti de dinde, si je réponds toujours Peter Pan, c’est parce que je travaille fort à imaginer ‘a bouff su’a table ; je suis confiant que bientôt elle va apparaître. J’espère pas être un de ceux qui ont choisi la pilule rouge, je veux vivre dans l’utopie. J’ai l’air bin désillusionné de même, mais au fond, moé tou je veux vivre dans l’imaginaire. C’est pour ça que je bois, pour retomber dans le même état que vous ; c’est pas mal tout c’que j’ai d’toute façon… fuck, c’est vrai, j’existe même pas.

C’est comme Noël (ou pas vraiment)

Tuesday, January 14, 2014



Mardi, 14 janvier 2014. Avons croisé ce matin un genre d'être humain qui puait l'alcool, encore vêtu d'une robe de Noël à strass, genre La Fureur rencontre Céline Dion. Lui avons posé deux ou trois questions, à commencer par son nom. Aussitôt les mots échappés de sa bouche, enroulés dans leur haleine fétide de lendemain de veille, nous l'avons saisi. C'est bien l'homme que nous cherchions : C'est comme Noël...

1. Treize, ça vous évoque quoi ?  
La désolation, la fin de tout. 

2. Un élément indispensable à votre processus créatif ? 
Un café et un whisky : l’un pour réveiller le corps et l’autre l’esprit.

3. Le pire état émotionnel ? 
La peur. Si elle revient si souvent sur le papier, c’est parce qu’elle doit sortir.

4. Pourquoi écrire ?
Écrire est simplement un moyen de passer à travers ces longues nuits froides d’hivers sans perdre la raison. Un chien ou un chat c’est bien, mais une feuille et un crayon c’est encore mieux.

5. Auteurs préférés ?
Pour le texte du collectif, on voit une forte influence de William Shakespeare, Albert Camus et Retour vers le futur 2 (ce dernier n’est pas un auteur, mais son importance me force à le citer).

6. Mis à part l'écriture, quelque violon d'Ingres ?
Manger ce qui se trouve sous ma main, marcher à la recherche de l’inspiration et achaler les inconnus lorsqu’ivre.

Nous rappelant une sorte d'Hemingway doublé d'un Bukowski, perdu dans les ruelles du centre-ville de Montréal, nous sommes allés à la recherche d'amis du Drôle pour en apprendre un peu plus sur lui... mais dès qu'on a eu le dos tourné, C'est comme Noël s'est sauvé ! Fortuitement, nous l'avons vite retrouvé en train de picoler dans un bar, avec son vieil ami le Loup de mer. Celui-ci s'est répandu en exclamations lyriques sur sa rencontre avec ce qui est maintenant son vieux pote dégingandé. 
 «
Contre un mur, l’éclopé clope et clope et clope et clope
Saint-Nicolas de pacotille (Père fouettard de centre d’achat) qui écope — une fois la douzaine — de la salace tâche de camoufler sa main bionique, son haleine de gin et ses paupières lourdes de vodka sous une barbe blanche tirant sur le jaune (clopin, clopant).  
Rencontre étrange, veille du grand jour. Sur la patinoire, le lourd et louche individu en fin de quart versus moi, moi qui louvoyait dans le coin et qui croit fortuitement entrapercevoir sous sa parka l’ombre d’une hotte de cadeaux, la courbe d’une orange ferme et charnue… Impossibilité d’attendre au lendemain, improbabilité de compter un but mais  
Tirade (forte buée de poisson dans le doux climat de -30) —
« Mam’zelle, bien le pardon, c’est que je savais pas qu’au Pôle Nord, c’est la femme qui porte la culotte ! »  
Jérémiade (décousu, les mots se perdent dans sa barbe) —
« Les flaques… Les flaques de glace… Elles mélangent le, le rouge des lumières d’auto avec… le vert des feux de circulation, c’est comme une palette d’aquarelle, c’est comme… c’est comme… C’est comme… »  
Le comparant se perd aussi irréversiblement que la patience de la caissière au Wal-Mart, un boxing day. L’apparent asexué s’écroule — le lendemain, à l’hôpital on apprendrait que c’était son assistante, Suzette, qui l’avait trahi d’un coup de cyanure dans le tequila sunrise (une affaire de charbon dans le bas).  
Il s'est passé pas mal de temps avant que la fortune me donne la chance de recroiser le sinistre homme-femme en costume de Saint-Nic. Néanmoins, à ce que j’ai ouï dire, jamais Suzette ne passa une meilleure Saint-Sylvestre : quand Bon Papa n’est pas là, les lutins dansent.
»